MA RACINE
En revenant d’une balade sur le trajet de la Vézère, une racine de chêne appelle mon regard.
Je m’approche, l’observe, je lui dis…
D’accord, je t’emmène.
Elle est un peu lourde
et il reste un bon bout de chemin,
mais c’est parti !
Arrivé à l’atelier, je la pose sur le plan de travail, la libère de quelques mousses, et je rentre à la maison.
Le lendemain, posée sur un socle, je la regarde, en fais le tour. Sa structure est fine, telle une mue, elle s’est libérée de l’arbre qui l’habitait.
Je prends un outil pour la nettoyer puis, étrange… une fois dans mes mains, une sensation, une émotion monte, tel un serpent, elle m’envahit, je me laisse faire, je n’arrête pas de l’observer.
Il émane de cette pièce de bois quelque chose qui me dépasse. Cette partie de racine n’est donc qu’une peau, le reste est parti, s’est désagrégé. Transcendance. Le temps en a eu raison, des bestioles l’ont alors sculptée. Il n’en reste qu’une fine couche qui ne voulait apparemment pas disparaître, et c’est elle qui me brasse autant, son âme peut être…
J’en ai l’habitude de ces vieux personnages avec leur vécu, ces morceaux de bois qui sont en fait les symboles des arbres qui les ont créés.
Mon trajet de vie est une grande aventure avec le bois dans toutes ces formes, mes sculptures en sont d’ailleurs une sorte de patchwork, assemblage de bois, assemblage de moments vécus avec eux, une sorte de remise en scène. Je me souviens d’où provient chaque morceau, j’avais trente ans, quarante, je les ai gardés, ils ont attendu que je sois prêt pour être présents dans une œuvre.
Aujourd’hui, dans cette magie de création, je ressens un univers invisible, des choses sans nom m’accompagnent. Mon chemin d’harmonisation des lieux de vie a transformé mes perceptions, J’ai acquis un regard différent, plus… large, disponible aux présences qui se montrent et qui modifient la fluctuation d’un flux et celui-ci me guide.
Posée sur un socle dans mon atelier, tel le mot du poète qui transforme l’espace, cette racine sensualise l’instant.
L’acteur que je suis reprend sa place,
La mise en scène peut commencer,
Ma main, un outil, c’est parti pour l’aventure.
