Artiste thérapeutHe
Vieux bois

Thérapie de l’habitat, de l’habitant

 

L'Artiste Eveilleur

Dans mes bois anciens, dans mon corps d’homme debout, dans chaque geste qui sculpte, une tension sacrée traverse le temps.

Je travaille avec des bois qui ont déjà vécu.
Des bois façonnés autrefois par d’autres mains, d’autres artisans.
Ils ont été meubles, compagnons du quotidien, silencieux et fidèles.
Puis, oubliés, abandonnés, livrés aux vents, aux pluies, au soleil.
Les saisons les ont travaillés, les insectes les ont traversés.
Leur forme s’est altérée, patinée, révélée.
Et c’est dans cet état d’abandon, de vérité, que je les trouve.

Je ne les choisis pas vraiment.
Ils m’appellent.
Et je les accueille, comme on accueille une histoire, une blessure, une mémoire.
Je les prends dans mes bras, je les écoute.
Je les laisse me guider.

Il y a dans ces bois une force masculine — une verticalité qui a résisté,
une mémoire de pilier, de charpente, de colonne invisible.
Mais il y a aussi une sensualité,
une douceur façonnée par le temps,
des courbes nées de l’érosion, de la pluie, de la caresse du vent.

Alors je les touche, et c’est le féminin qui entre en moi.
Je sculpte avec mes mains, mais aussi avec ma peau, mon souffle,
avec cette part en moi qui ne cherche pas à imposer une forme
mais à révéler celle qui est déjà là, cachée, prête.

Comme dans les cathédrales.
Le masculin soutient, dresse, élève.
Le féminin reçoit, enveloppe, résonne.

Les colonnes et les voûtes.
L’axe et l’espace.
La tension et l’accueil.
L’élan et la lumière.

À 30 ans, j’ai construit un buffet d’orgue de cinq mètres de haut.
Je l’ai conçu selon les lois du nombre d’or, sans le savoir vraiment.
C’est la matière qui me l’a soufflé.
Dans cet acte de création, quelque chose en moi s’est aligné.
J’ai senti un retour profond de la nature en moi.
Comme si, à travers la justesse des proportions,
l’unité revenait habiter le monde.

Depuis, chaque sculpture est pour moi un totem.
Un point d’ancrage, un axe vivant.
Un témoin de cette union retrouvée entre le visible et l’invisible.

Mon corps, lui aussi, contient ces deux forces.
Je me tiens droit, mais c’est dans l’écoute que naît le geste juste.
Ma poitrine se gonfle d’un souffle, mais c’est dans l’ouverture que je crée.
Je suis colonne et je suis creux.
Je suis porteur et je suis passage.

Je suis une cathédrale de chair.
Un être de matière et de vide,
de mémoire et de présence,
de tension et de tendresse.

Et mes bois anciens — ces fragments oubliés du monde —
deviennent, sous mes mains,
des sculptures-totems,
des veilleurs du sacré,
des corps d’humanité.

Michel Valeyre – Sculpturier du sacré

Présence de matière, présence de silence. Sculpté par le temps, il veille.
Je suis une cathédrale de chair